Ce cochon de sanglier !
 
(Article du Dauphiné Libéré du 2 septembre 1998)
 
 
 
  
 
Des battues administratives de sangliers sont organisées depuis 4 mois par les différentes sociétés de chasse dans tout le sud de la Drôme pour tenter de mettre un frein aux dégâts récurrents commis à l’agriculture par ces animaux notamment dans les vignes. Avec une efficacité que certains contestent…

        Samedi 29 août à 6h30 du matin, tandis que l’aube pointe son nez et que le vent frais de la nuit saisit les corps, une quarantaine de chasseurs, engoncés dans leurs treillis et l’arme à la bretelle se réunissent sur le parking de la mairie de Mollans. Pourtant la chasse n’est pas ouverte et ne le sera pas avant 15 jours (le 13 septembre exactement). Mais pour le second samedi successif, les membres de l’ACCA de Mollans (Association de Chasse Communale Agréée) participent à l’organisation d’une battue administrative au sanglier. En effet, à nouveau cette année, comme tous les ans à cette période, de nombreux agriculteurs se sont plaint de dégâts occasionnés par des sangliers descendant des zones forestières d’altitude, chercher leur pâture dans les champs, vergers et vignobles des Baronnies. Il semble même que cette année, les dégâts soient plus importants dans la région que les années précédentes.

        Depuis le début août on constate en effet une augmentation de lettres de maires adressées à la DDAF (Direction Départementale de l’Agriculture et de la Forêt) faisant état de plaintes d’agriculteurs. On connaît les raisons de ce phénomène :La sécheresse qui sévit raréfie les points d’eau dans les montagnes où le sanglier ne trouve plus la verdure, les racines, graines et glands dont il est friand à l’ombrage des arbres. Les champignons ne sont pas encore sortis et c’est en famille, par petits groupes que les porcs sauvages s’enhardissent à descendre dans les vergers et vignobles s’attaquer à ce qu’ils trouvent. Or cette année, il n’y eut dans les Baronnies ni cerises ni abricots pour étancher leur soif… Alors, ce sont les raisins, tomates et melons qui trinquent, ce qui n’est pas du goût de tout le monde, on s’en doute... Il est vrai que la plupart des chasseurs sont agriculteurs, et pour ceux là, un véritable cas de conscience se pose entre la protection de leurs champs et vignobles et la préservation du gibier qui animera les parties de chasse de l’hiver. Le problème c’est que tous les agriculteurs ne sont pas chasseurs… !

        Alors pour résoudre ce dilemme et améliorer les relations entre les uns et les autres, tout en tentant de limiter l’importance des ravages causés par les sangliers à l’agriculture locale, on n’a trouvé à ce jour qu’une solution : L’organisation de battues administratives. Déjà depuis le mois de mars, plus de vingt battues ont été organisées sur les différentes communes du canton. A Mollans c’est la seconde qui est autorisée par la préfecture. Elle doit avoir lieu sous la responsabilité et la direction d’un lieutenant de Louveterie, sur le territoire de la commune et des communes limitrophes, être limitée aux parcelles cultivées ou pâturées ainsi qu’aux réserves de chasse avec autorisation de tirs de nuit. Les animaux tués au cours de la battue seront partagés entre les chasseurs et les agriculteurs ayant subis des dégâts importants.
Il n’est pas encore 7 heures qu’un premier groupe d’une vingtaine de chasseurs est déjà partit avec Patrice Dussourd, le président de l’ACCA de Mollans, se mettre à l’affût en ligne sur les hauteurs de la montagne du Bluye. Ils seront bientôt rejoint par un autre groupe entourant André Maison, le lieutenant de Louveterie de la circonscription du canton de Buis les Baronnies, tandis que quelques rabatteurs accompagnant une quarantaine de chiens convergeront vers eux. Cinq heures plus tard, ils seront tous de retour, l’air victorieux, la battue aura été exceptionnellement bonne avec 6 bêtes abattues dont une de prés de 100 kilos. Un tableau de chasse remarquable en effet puisque le samedi précédent aucune bête n’avait été tiré et qu’au total André Maison reconnaît n’avoir abattu qu’une quarantaine de sangliers depuis le mois de mars au cours de la vingtaine de battues effectuées sur le territoire des 21 communes du canton…

        De là à penser que les chasseurs ne mettent pas toujours le plus grand enthousiasme à ramener du sanglier l’été à l’occasion de ces battues administratives, de façon à préserver le gibier disponible à l’automne pour l’ouverture de la chasse… Il n’y a qu’un pas que franchissent allègrement nombre d’agriculteurs victimes des sangliers… !

        Un reproche que les chasseurs réfutent énergiquement, certifiant que dans les Baronnies, il n’y a aucun conflit entre les sociétés de chasse et les agriculteurs. On souligne par ailleurs que pour les champs, vergers et vignobles situés en bordure de forêt, la mise en place de protections (clôtures électriques ou barbelés) est souvent insuffisante ou absente bien qu’absolument nécessaire. On ajoute que la Fédération de Chasse de la Drôme et ses assureurs indemnisent chaque année nombre d’agriculteurs pour les dégâts dûment constatés (par voie « d’estimateur » pour les sinistres de moins de 30 000 frs et par « expertise » au-delà). On ajoute enfin que l’on chasse le sanglier dans les Baronnies depuis des siècles, que c’est le sport favori de ses habitants ; que dans chaque commune l’ACCA est l’association la plus importante qui réunit le plus grand nombre de membres (à Mollans : 90 chasseurs sur 750 habitants) et que tandis que les lapins, lièvres, perdreaux, faisans etc.. se font de plus en plus rares, la chasse dans la région repose désormais essentiellement sur le gros gibier : sangliers et cervidés (cerfs, chevreuils dont la chasse est réglementée en « Plan de Chasse » : six « bracelets » seulement accordés à Mollans cette année). Alors vous pensez bien qu’il n’est pas question de toucher à ce dernier réservoir naturel de chasse !

        La question est néanmoins de savoir si, dans le sud de la Drôme, le nombre de sangliers n’est pas devenu excessif au point de nuire gravement à la production agricole comme certains le prétendent… ?

        Difficile de se prononcer en toute objectivité… ! Selon que l’on sera agriculteur ou pas, chasseur ou non-chasseur, agriculteur non-chasseur, chasseur non-agriculteur ou agriculteur et chasseur la réponse à cette question sera évidemment bien différente… !

         Alain BOSMANS
 

SANGLIERS en Baronnies: Le fléau !
 
 
(article du Dauphiné Libéré du 20 octobre 1998)
 
 
 
Les officiels ont parfois eu du mal à modérer une assistance houleuse et déterminée...
 
La population de sangliers dans les Baronnies a atteint désormais une telle densité que les dégâts causés par cet animal aux cultures et à l’environnement prennent désormais les allures d’un redoutable fléau.

        Afin de pouvoir discuter librement de ce problème et d’en envisager les éventuels remèdes, la commune de Buis avait convié vendredi après midi dans la salle J.J. Coupon, toutes les personnes concernées par cette question à une large concertation. Sous la présidence du Maire Jean Pierre Buix, une table d’officiels réunissait le député Michel Grégoire, le représentant de la chambre d’agriculture Séraphin Bonfils, Jean Louis Traversier des services de la D.D.A. (responsable de la Chasse dans le département auprès de cette direction) ainsi que Matthias Muller-Kapp, directeur des services à la Fédération des Chasseurs de la Drôme. Dans la salle, l’assistance nombreuse (presque une centaine de personnes, tant agriculteurs que chasseurs, maires et représentant des différentes A.C.C.A.) témoignait de la gravité et de l’urgence de la situation.

        Le constat ne posa guère de difficultés et fit rapidement l’unanimité. Les dégâts causés aux cultures, que ce soit dans les vergers, sur les légumes ou les vignobles, ont dépassé cette année les limites du tolérable. Michel Grégoire notait même que la densité de sangliers dans la région est telle que dans certains endroits, ils font courir des risques de pollution aux sources, mettant ainsi en péril la salubrité de l’eau de certaines communes. Nombreux furent les intervenants qui firent état de la présence de sangliers, séjournant en hordes importantes de plusieurs dizaines de bêtes (jusqu’à une soixantaine !), dans des zones de cultures proches des habitations. Maxime Bourny, apiculteur à Vercoiran ne cachait pas son exaspération à voir ses ruches régulièrement renversées par des troupeaux de sangliers fouillant le sol…

        Restait à savoir comment faire pour réduire sérieusement l’importance de cette population dans la région tout en respectant la législation en vigueur… Une législation que beaucoup, qu’ils soient chasseurs ou agriculteurs, jugèrent par trop ancienne, contraignante et inadaptée. Les suggestions faites par les uns ou les autres provoquèrent à plusieurs reprises d’assez vives controverses et Jean Louis Traversier eut parfois bien du mal à faire entendre la logique du droit et de l’administration en face d’une salle qui hésitait entre l’expression de sa colère et l’envie de chahuter…

        Parmi les nombreux sujets de polémique abordés, il fut en particulier question de savoir s’il faut : Ouvrir la période de chasse plus tôt et la fermer plus tard ; autoriser les ACCA à chasser gratuitement au-delà de leurs limites territoriales ; autoriser les tirs de nuit ; déclarer le sanglier comme espèce « nuisible » ; multiplier les battues administratives toute l’année ; augmenter le nombre de lieutenant de louveterie (à condition de trouver des volontaires) ; autoriser le nourrissage et l’agrenage des sangliers l’été afin d’éviter de les voir descendre des montagnes ; faciliter la vente de viande de sanglier afin d’inciter l’abattage des bêtes ; et surtout modifier les limites des réserves de chasse afin de suspendre temporairement leurs existences et autoriser les chasseurs à y accéder librement pour y poursuivre les sangliers.

        Un rapport allant en ce sens devrait être prochainement préparé et soumis par les élus aux services compétents de la préfecture. Il est difficile de savoir quel en sera le contenu précis tant une certaine confusion régnait à l’issue de cette réunion. Mais on peut penser que des mesures seront rapidement prises qui viseront à encourager la chasse au sanglier et faciliter la tâche des chasseurs dans les Baronnies. En tout état de cause, cela n’aura pas été le moindre des mérites de cette réunion que d’avoir permis aux intéressés de pouvoir s’exprimer librement et aux responsables de mesurer la gravité du problème avant qu’il ne soit trop tard. Le risque est en effet désormais grand de voir certains agriculteurs, chasseurs ou élus se mettre délibérément hors la loi pour éradiquer (d’une manière ou d’une autre) une nuisance qui, devenant intolérable, n’aura que trop duré.

         Alain BOSMANS