Il n'y a pas de fumier sans feu
 

(article du dauphiné Libéré du 28 janvier 1999)
 

  
Une centaine de manifestants se sont réunis devant le tribunal de Nyons tandis que 50 autres faisaient le siège de la gendarmerie de Séderon

Faute d’avoir obtenu la relaxe pure et simple de l’un des leurs verbalisé par les gendarmes pour un dépôt de fumier à proximité d’une route, les agriculteurs du Séderonnais en colère appellent à manifester à Nyons et menacent d’organiser lundi un épandage de fumier devant la gendarmerie de Séderon.

        Ils avaient pourtant bien prévenu ! A l’issue de la réunion qui s’était tenue le 16 octobre dernier à la sous-préfecture de Nyons, la délégation d’éleveurs du Séderonnais avait en effet déclaré que « si la clémence n’était pas obtenue pour les contrevenants, la mobilisation serait beaucoup plus grande la prochaine fois… » Le sous préfet avait alors fait remarquer « qu’il n’appartenait qu’à l’autorité judiciaire d’en décider… » Or l’autorité judiciaire elle, elle a immuablement poursuivi la procédure normale… Et la convocation lundi 1er février d’un éleveur d’Eygalayes, Jean Claude Nicolas, devant le tribunal d’instance de Nyons, poursuivi pour avoir (en mars 1998) déposé du fumier à proximité d’une voie de communication, est en train de mettre le feu aux poudres parmi les agriculteurs de la région.

        Selon le code de santé publique et le règlement sanitaire préfectoral, l’infraction ne fait pas de doute : il y avait bien risque de pollution et les gendarmes de Séderon (dont on souhaite par ailleurs ici tant conserver la brigade menacée de fermeture…) ont fait leur boulot. D’autant que, dans le cadre d’une démarche de valorisation touristique de la vallée de la Méouge, une charte a été récemment signée qui a pour objectif numéro 1 d’améliorer la qualité des eaux pour atteindre la qualité baignade sur l’ensemble des cours d’eau.

        Mais rien n’est simple ! Car les faits se sont produits dans le Séderonnais, région essentiellement agricole et d’élevage particulièrement touchée par l’exode rural. Toute action dirigée à l’encontre des agriculteurs est donc susceptible de diminuer davantage les potentialités de ce canton. Or Jean Claude Nicolas est le 3 ème agriculteur à avoir été ainsi verbalisé dans la région en peu de temps. Les deux premiers ont payé des amendes de l’ordre de 500 à 1000 francs. Pour le troisième cela ne passe plus : Jean Claude Nicolas a fait opposition à l’ordonnance pénale du 6 juillet 1998 le condamnant à 1000 francs d’amende plus les frais. Et c’est pour en statuer qu’il se rendra lundi à 16 heures au tribunal de Nyons. Mais cette fois il n’y sera pas seul… Car derrière lui aujourd’hui la mobilisation est grande. Le MODEF, un syndicat agricole assez bien implanté dans le Séderonnais, invite les agriculteurs à une manifestation de solidarité devant le tribunal lundi après midi tandis qu’à la même heure des éleveurs menaceront d’épandre du fumier devant la gendarmerie de Séderon.

        Le député Michel Grégoire quant à lui, saisi du problème depuis le début et déjà présent à la réunion en sous préfecture le 16 octobre, vient de déclarer (dans une lettre au préfet de la Drôme rendu public) qu’il était « extrêmement surpris et déçu de constater que tous les efforts d’apaisement et de recherche de solution avaient été vains puisque les éleveurs concernés par des procès verbaux ont été convoqués devant le tribunal d'Instance de Nyons le 1 er février 99 ». Une pétition protestant contre les poursuites engagées par les pouvoirs publics suite à des dépôts de fumier et demandant l’arrêt des poursuites et l’amnistie pour ceux ayant été condamnés a déjà recueilli une cinquantaine de signatures dont celles de nombreux maires et élus de la région.

        Entre le respect de la loi, le souci légitime d’éviter les nuisances et pollutions inhérentes aux activités agricoles et la nécessité de ne pas décourager une profession qui reste la meilleure garante du maintient d’une population rurale active dans cette zone particulièrement difficile, la marge de manœuvre du juge sera lundi bien étroite.

         Alain BOSMANS
 

Manifestation autour d'un tas de fumier
 

(article du Dauphiné Libéré du 2 février 1999)

 

Jugeant injustifiée et discriminatoire la convocation d’un des leurs devant le tribunal d’instance de Nyons pour répondre d’un dépôt de fumier non réglementaire, les agriculteurs du Séderonnais se mobilise pour exprimer leur solidarité et leur indignation. Jugement après délibéré le 7 juin.

        Ils avaient annoncé qu’ils viendraient soutenir leur camarade. Ils sont venus en effet : plus de quatre-vingt agriculteurs du Séderonnais, avec à leur tête le député Michel Grégoire et le conseiller général Michel Cossantelli ainsi que plusieurs maires et élus des communes du canton, s’étaient rassemblés hier lundi dés 14h30 devant le tribunal d’instance de Nyons. Un éleveur d’Eygalayes devait y comparaître poursuivi pour avoir déposé du fumier à proximité d’une route. Le matin à 11 heures déjà une cinquantaine d’entre eux avaient circulé dans tout Séderon avec des tracteurs et trois bennes pleines de purin avant de faire le siège symbolique et bon enfant de la gendarmerie du chef lieu de canton.

        Rappelons brièvement les faits : En mars 1998, un agriculteur est verbalisé par les gendarmes de Séderon pour avoir « contrevenu au règlement sanitaire départemental en établissant un dépôt permanent de fumier et autre déjection solide à coté d’une voie de communication ». Convoqué devant le tribunal de police sur requête du procureur de la république, il est condamné le 6 juillet de la même année à une amende de 1000 francs plus les frais de procédure. Jean Claude Nicolas, c’est le nom du contrevenant, est le troisième agriculteur du canton à avoir été ainsi sanctionné en quelques semaines pour un motif comparable. Trop c’est trop. Dans cette zone de moyennes montagnes où seul l’élevage permet le maintien d’une activité agricole, le zèle de la gendarmerie est perçu comme un harcèlement inutile et intolérable. Les agriculteurs se mobilisent derrière Jean Claude Nicolas qui fait aussitôt opposition à l’ordonnance pénale le condamnant. Une pétition circule, les élus soutiennent le mouvement : Le maire de Lachau se dit abasourdi par la rigueur des sanctions, celui d’Eygalayes envoie une lettre ouverte au Président du tribunal de Police de Nyons, le député Michel Grégoire obtient la réunion d’un « sommet » qui, se tenant le 19 octobre à la sous préfecture de Nyons, réunira autour d’une table toutes les parties concernées. Las, rien n’y fait. Jean Claude Nicolas ne sera pas amnistié ni relaxé comme d’aucuns pouvaient l’espérer, mais au contraire hier après midi donc, il se présentait à la convocation du tribunal d’instance de Nyons qui devait statuer sur son sort en appel.

        Le MODEF et la Confédération Paysanne avaient appelé à la mobilisation et la minuscule salle d’audience du tribunal de Nyons (qui ne siège qu’un après-midi par trimestre) n’avait probablement jamais vu un public aussi nombreux. Tandis que la plus grande partie de l’assistance n’ayant put trouver place à l’intérieur se pressait dehors, le président Lemoine ouvrait la séance à 15 heures par cette affaire. L’avocat de Jean Claude Nicolas, maître Anne Marie Goux du barreau de Valence, devait réclamer une mesure de relaxe pour son client arguant du caractère non permanent du dépôt de fumier en question. Elle explique que les conditions climatiques du mois de mars n’ont pas permis un épandage et un enfouissement immédiat et qu’en conséquence le dépôt de purin n’était à cet endroit que temporairement. D’ailleurs l’objet du délit n’existe plus et un seul constat a put en être fait. L’avocat fait valoir également du caractère de plus en plus contraignant de la législation qui s’impose aux agriculteurs et dont l’application ne devrait pas être aussi tatillonne. Sollicitant la bienveillance du tribunal, maître Goux démontrera la bonne volonté de son client qui fait actuellement le nécessaire pour réaliser des investissements importants afin de mettre aux normes ses bâtiments d’élevage. Enfin, comme un clin d’œil, elle rappellera que Jean Claude Nicolas fut parmi les plus ardents défenseurs du maintien de la brigade de gendarmerie à Séderon…

        Le tribunal prendra sa décision après délibéré qui sera communiqué à la prochaine audience le 7 juin. A la sortie du tribunal, les représentants des organisations syndicales devaient stigmatiser le caractère exemplaire de cette mobilisation, mettant en exergue que cela n’était pas seulement un éleveur que l’on défendait ici mais bien une profession fragile et menacée. Le moment en effet de rappeler que des éleveurs comme Jean Claude Nicolas il y en a aujourd’hui dans le Séderonnais exactement 2 fois moins que voilà 30 ans…

         Alain BOSMANS