Elisabeth Guigou dans la tourmente
 
(Article du Dauphiné Libéré  (Page "Nationale" toutes éditions) du 4 septembre 1999)
 
  
Pour permettre au véhicule ministériel de s'extraire du cortège des manifestants qui l'immobilisait devant la mairie de Buis, les gendarmes ont eu des échanges virils avec les agriculteurs
 
Inquiète, la Garde des Sceaux, Elisabeth Guigoux est restée plusieurs minutes prisonnière de la "Safranne" ministérielle chahutée par les manifestants (photos A. Bosmans)
 
        Hier, en milieu d’après-midi, Elisabeth Guigou rendait une visite chaleureuse et amicale  au député socialiste de la circonscription de Buis-les Baronnies dans la Drôme, Michel Grégoire, pour inaugurer notamment toute une série de travaux réalisés dans le chef lieu de canton.  C’est une délégation d’une cinquantaine d’agriculteurs réunis sous la bannière de Confédération paysanne qui l’a accueillie aux portes de la mairie. Les manifestants réclamaient la libération de « José Bové »,  le fondateur de cette organisation syndicale actuellement  écroué après le saccage à Millau d’un McDonald’s en construction.

        Le Garde des Sceaux qui a échangé quelques propos avec Robert Arnaud, représentant drômois de la Confédération a eu bien du mal à s’extraire du cortège qui encadrait son véhicule.   Après des échanges plutôt musclés avec la gendarmerie qui organisait  un cordon de protection autour de la « Safrane », la Ministre a donc pu  s’échapper et  honorer sa mission.

Elle a retrouvé une délégation des contestataires à l’issue de sa visite pour écouter, une fois de plus, leurs doléances  Les représentants de la Confédération ont surtout mis en cause  « les dysfonctionnements de l’appareil judiciaire  dans cette affaire, qui, prétendent-ils, portent atteinte aux libertés syndicales »  La caution réclamée à José Bové a été vivement condamnée et désignée comme l’expression d’une « justice à l’Américaine »  Elisabeth Guigou  n’a pas voulu commenter une décision de justice mais a rappelé que la loi prévoyait de poursuivre les auteurs de dégradations quels qu’ils soient.  Elle a tenu à préciser aussi que le gouvernement  avait la volonté de traiter les causes de la crise agricole actuelle et que  Jean Glavany, ministre de l’Agriculture annoncerait prochainement des mesures conjoncturelles pour y faire face.

 

Gilles SALGAS et Alain BOSMANS
 

La Garde des Sceaux interpellée par les paysans à Buis les Baronnies
(Article du Dauphiné Libéré (Pages régionales Drôme-Ardèche-Vaucluse) du 4 septembre 1999)
 
 
A la mairie de Buis, Elisabeth Guigoux a rencontré une délégation de manifestants avant de quitter le chef lieu de canton sous haute protection. (photos A.Bosmans)
 
 
Elisabeth  Guigou rendait visite hier à ses voisins et amis Drômois de la Roche-sur-le-Buis et Buis les Baronnies.  Elle a été accueillie par une cinquantaine d’agriculteurs représentant la Confédération paysanne  qui  ont  donné à cette  inauguration  paisible un caractère plus musclé que prévu.   Au coeur des revendications, « la libération de José Bové »
 

        Des rumeurs avaient circulé timidement ces jours derniers sur des manifestations d’agriculteurs.  Mais dans le contexte de crise que connaît le monde agricole et notamment les producteurs de fruits de nos régions, ces bruits n’avaient étonné personne. Des actions, il y en a bien un peu partout, en ce moment…

        En fait, la Confédération paysanne avait bien caché son jeu. Jusqu’au dernier moment d’ailleurs. A 15h15, hier, un quart d’heure avant que le Garde des Sceaux n’arrive au Buis, une cinquantaine de représentants de cette organisation syndicale, et plus timidement du MODEF de l’Ardèche et de la Drôme, se sont réunis devant la mairie du Buis ou le maire, Jean-Pierre Buix, le député, Michel Grégoire allaient recevoir leur amie. N’est-ce-pas à l’occasion d’un concours de pétanque en Avignon animé par l’élu Buxois que la décision de cette visite avait été prise ?

        Accompagnés du sénateur Jean Besson,, du préfet de la Drôme, Jean Fédini, du sous-préfet, Marc Paganel, du colonel Hurtevent, commandant du groupement de la Drôme, ils ont donc accueilli Elisabeth Guigou, la voisine du Vaucluse. Il pleuvait, mais c’est sous une averse de slogans revendicatifs que la ministre fut invitée à descendre de sa « Safrane ».  Et c’est en fait Robert Arnaud, président drômois de la Confédération qui prenait la parole, s’adressant directement au ministre de la Justice : « .L’Amérique veut nous imposer sa bouffe. Nous ne voulons pas d’une justice à l’Américaine.. » C’est bien le cas « José Bové », le fondateur de la Confédération actuellement incarcéré  après le saccage à Millau d’un McDonald’s en construction, qui avait motivé ce rassemblement d’agriculteurs venus de toute la région Rhône-Alpes mais aussi de Provence-Côte d’Azur.

        Les manifestants ont directement mis en cause cette détention provisoire et surtout le système de caution utilisé dans cette affaire (il est réclamé 105 00 F au leader syndical en échange de sa remise en liberté). Elisabeth Guigou coupait court à la discussion en précisant qu’elle ne rendait pas la justice et qu’elle travaillait, au contraire, à assurer la liberté des magistrats.

        Le retour dans son véhicule et son départ pour rejoindre la Roche sur le Buis, village dont le député Michel Grégoire est maire, ont provoqué l’échauffement des humeurs et des esprits. Une tension qui se traduisait par un corps à corps avec un cordon de gendarmerie où le colonel Hurtevent, le commandant Mougeot,  le capitaine Monange ainsi qu’une quinzaine de gendarmes de la compagnie de Nyons, participaient activement. Des éléments de la sécurité rapprochée du ministre ont du renforcer le dispositif, tant la tension devenait de plus en plus vive, empêchant le cortège de reculer, dans un premier temps, puis d’avancer. Une tactique qui n’aurait sans doute pas abouti si une promesse de rencontre ultérieure avec les manifestants n’avait pas été annoncée.

        Les derniers éléments récalcitrants ceinturés, Elisabeth Guigou  pouvait ainsi rejoindre la Roche où l’attendait, cette fois-ci, une population  bien moins hostile, des gens du village  heureux de recevoir cette femme élégante habillée d’un ensemble en soie de couleur châtaigne  Une visite qui devait se prolonger  au Buis où l’on inaugurait  la piscine rénovée et le  centre ancien nouvellement réhabilité  Une promenade à travers une ville qu’elle trouvait  conviviale.  Au cours du traditionnel discours au Mille Club, elle s’avouait heureuse d’avoir rencontré ici une population courageuse et enthousiaste, et, à la Roche, constaté que l’on avait le souci de conserver la mémoire de ce pays.

        Des paroles apaisées avant le retour en mairie où, promesse tenue, elle allait rencontrer une délégation de manifestants. L’échange a duré un quart d’heure, quinze minutes au cours desquelles les uns et les autres ont eu l’occasion de rappeler leurs griefs vis à vis de l’appareil judiciaire dans cette affaire Bové. Les représentants de la Confédération ont dénoncé la pression qui est faite sur les syndicats au travers de cette caution réclamée. Une mesure prévue par les textes, a précisé le Garde des Sceaux, qui a rajouté aussi que ses projets de loi allaient dans le sens  d’une réforme de la détention préventive.  Refusant une nouvelle fois de commenter une décision de justice et d’interférer ainsi dans un dossier, la ministre a tenu a souligner la prise en compte par le gouvernement de la gravité de la crise agricole : « Hier encore, j’ai vu Jean Glavany. Il annoncera prochainement des mesures structurelles pour résoudre le problème des producteurs de fruits.  On traitera  cas par cas les situations, rapidement ».

        C’est finalement par des poignées de mains avec les représentants agricoles et un dernier mot  à ceux qui l’attendaient dehors, qu’Elisabeth Guigou  quittait le Buis, la Drôme, et retrouvait le Vaucluse tout proche et  sans doute plus calme, en ce vendredi soir.

Gilles SALGAS et Alain BOSMANS