Adieu, veaux, vaches, bisons...
(Article du Dauphiné Libéré du 2 mars 2000)

Annoncé depuis le début décembre à grand renfort de publicité médiatique, le projet d'implantation sur la commune de Ferrassières d'un élevage de bisons à vocation touristico-pastorale a fait long feu. Pourquoi...?

 

 

Audrey et Pierre Bridel ont-ils mis la charrue avant les bisons… ??

 


Des bisons dans les Baronnies...! Une idée mirobolante...!

. Cela est maintenant officiel, Audrey et Pierre Bridel le confirme. Leur ambitieux projet d'élevage de bisons est revenu au point mort. " La piste Ferrassières est abandonnée. Si nous tentons à nouveau l'aventure, ce sera ailleurs ! " Ailleurs en Drôme Provençale…. ? " Eventuellement oui, dans les Baronnies peut-être ou en Ardèche, Alpes de Hautes Provence ou bien franchement ailleurs… ! Nous avons à nouveau recommencé à prospecter ".

Tel Perrette et son pot au lait, il est vraisemblable que le couple Bridel aura vendu la peau du bison avant de l'avoir tuée. Pourtant, lorsqu'ils s'installent à Saint Paul Trois Château à la fin 1998, Audrey et Pierre Bridel ont en main un projet mirobolant : Lancer un élevage de bisons dans le sud de la Drôme.

Sur le papier, le projet tient la route. La viande de bisons est très prisée. La demande est de plus en plus grande et la France doit en importer chaque année des tonnages de plus en plus conséquent. L'élevage en liberté de cet animal sauvage constitue un magnifique support à des activités touristiques et sportives. De par sa rusticité et sa résistance le bison s'adapterait parfaitement à la région des Baronnies et du plateau d'Albion, permettant de mettre en valeur toute l'année des terres d'altitude impropres à l'élevage bovin ou ovin traditionnel.

Derrière le couple Bridel une équipe est constituée. Laurent Girardet est un agriculteur éleveur suisse spécialisé dans le Bison. Il en possède plusieurs centaines et il est à l'origine de la plupart des expériences d'élevage de bisons qui ont été lancées en France depuis 10 ans. Yannick Muller est éleveur de chevaux. Max Soulignac est écuyer-cascadeur ancien collaborateur du théâtre Zingaro. Audrey Bridel est fille de restaurateur, diplômée d'école hôtelière et d'œnologie. Son époux Pierre Bridel, diplômé universitaire en sciences commerciales possède une sérieuse expérience dans la gestion financière et les ressources humaines d'un groupe industriel européen.

A la fin 1999 l'emplacement est trouvé en terre de lavande aux confins des Baronnies drômoises sur la commune de Ferrassières. Une ferme de 175 hectares est apparemment libre à l'affermage, entre 1000 et 1400 m d'altitude, propre à accueillir une cinquantaine de bisons. Au milieu du terrain les promoteurs prévoient de construire (à l'emplacement d'un ancien silo de la force de frappe du plateau d'Albion) un centre touristique avec gîte de 14 chambres, restaurant, centre équestre, village d'indien…

A Ferrassières, le maire Gaby Moulard et son conseil sont tout d'abord enthousiastes. On veut y croire et on se met à la disposition des entrepreneurs. Même attitude à la préfecture où les services de la DDE, DDA, de l'ONF et du CRPF se déplacent pour étudier avec eux les problèmes soulevés par cette implantation : Autorisation de défrichement, pose de clôtures, captage de source, ouverture et élargissement de routes, autorisation de remise en zone pastorale, autorisation d'importation de bisons, recrutement de personnels à l'ANPE de Pierrelatte, etc… Nul ne se préoccupe alors de savoir combien tout ceci va coûter et qui va payer… ! L'hebdomadaire d'information locale consacre des pleines pages couleurs à l'événement et Radio France Drôme en parle comme si c'était fait !

Il y a bien quelques voix qui s'élèvent alors pour s'interroger. Celle de Jacques Laurent en particulier, le maire de la commune d'Eygalayes, dans la vallée toute proche où l'on compte de nombreux éleveurs, parle de " Bisons futés ". La Confédération Paysanne du Séderonnais de son coté s'étonne de voir qu'aucun contact avec les éleveurs locaux n'ai jamais été pris…

Et puis tout d'un coup on s'aperçoit que rien ne va plus. S'il y a bien eu un protocole d'accord, le bail lui n'a jamais été signé avec les propriétaires de la ferme dont on découvre par ailleurs qu'elle est déjà affermée depuis 17 ans à un autre berger ovin… Et, aussi vite que le projet était venu à la une des médias, le voilà qui s'effondre, comme une cruche qui se renverse, sans que l'on sache vraiment pourquoi !

A Ferrassières, on se dit très déçu mais on refuse de commenter les causes de cet échec. On reconnaît néanmoins l'intérêt du projet et l'on n'exclut pas la possibilité de relancer l'idée " avec des Ferrassièrais et à une modeste échelle " précise le maire Gaby Moulard. Pierre Bridel de son coté explique son retrait de Ferrassières par les risques de conflit avec le berger local et les difficultés d'approvisionnement de la ferme en eau… Mais il confirme, ne pas vouloir lui non plus, abandonner une si bonne idée. Celles de Perrette aussi étaient bien séduisantes…

Perrette, allant au marché avec son pot au lait, avait (elle aussi) des projets bien séduisants...

 

Alain Bosmans