Pratiques pastorales et Patrimoine naturel

Paturage sur la Montagne de Chamouse
La montagne de Chamouse, située sur la commune de Montauban sur Ouvèze est l'une des plus hautes des Baronnies, culminant à 1531 m d'altitude, à l'extrême sud-est du département. L’unité pastorale de Chamouse couvre une superficie d’environ 500 hectares, dont environ 120 est constitué d'une pelouse sèche et le reste en lande ou bois plus ou moins dense. Le troupeau rassemblé par les 5 éleveurs du groupement pastoral de Chamouse compte environ 900 brebis qui pâturent de mi juin à mi octobre. Le diagnostic pastoral réalisé en 2004 a mis en évidence une pelouse sèche sur un sol très maigre ne retenant que très peu l’eau. A proximité de la bergerie, des traces de sur-fréquentation ont été repérées sur des surfaces très restreintes.
Par ailleurs, la qualité du patrimoine naturel de la montagne de Chamouse a été reconnue au travers de l’inventaire des "Zones Naturelles d’Intérêt Ecologique, Faunistique et Floristique" réalisé en 2004. Les intérêts écologiques du site sont principalement constitués par les pelouses et prairies sèches et une hêtraie à if, type de boisement plutôt rare dans les Baronnies. Les prairies et les pelouses sèches abritent également une flore protégée et la présence d’oiseaux et de papillons rares atteste également de la qualité écologique du milieu.
Dominique Narboux et Laurence Jullian ont présenté les conclusions de leur rapport sur la pelouse de Chamouse en présence de la bergère Maud Albiero, de l'éleveur Daniel Jean, du maire Gérard Coupon, du vice président Jean- Pierre Tabardel et de Nicolas Gogué
La problématique
Or ces dernières années, un certain nombre d’acteurs des Baronnies ont craint que la montagne de Chamouse ne soit surpâturée, entraînant ainsi une altération de la grande qualité du patrimoine naturel de cette montagne. L’absence de consensus entre les différentes parties (naturalistes, gestionnaires, éleveurs) autour de la cohérence de l’utilisation pastorale de la montagne a amené la commune, propriétaire de l’alpage, a commander une étude afin de savoir si l’utilisation pastorale de la pelouse de Chamouse remet en cause son intérêt écologique et, subsidiairement, s’orienter vers une méthode de diagnostic qui contribue à répondre au même type de questionnement sur d’autres sites pastoraux à forts enjeux écologiques.
En 2006, l’ADEM (Association pour le Développement de l'Economie Montagnarde et le CREN (Conservatoire Rhône-Alpes des Espaces Naturels) se sont associés (avec le concours de la région Rhône Alpes et le département de la Drôme) pour mener une étude dont la présentation s'est déroulée le 17 juillet dernier sur le site même de la pelouse de la Montagne de Chamouse en présence du troupeau, de sa bergère salariée Maud Albiero et de l'éleveur Daniel Jean président du Groupement Pastoral de la Chamouse. Les auteurs de cette étude, Dominique Narboux représentant l'ADEM et de Laurence Jullian, représentant le CREN ont présenté le diagnostique et les conclusions de leur rapport devant le maire de Montauban sur Ouvèze Gérard Coupon, le vice président du Conseil Général chargé de l'environnement Jean- Pierre Tabardel et de Nicolas Gogué responsable du service des espaces naturels de la Drôme qui avaient tous trois tenu à être présents pour affirmer le caractère exemplaire de la démarche.
Réunion de travail sur la pelouse de la Montagne de Chamouse
Les conclusions
Les investigations indiquent clairement que les pratiques pastorales ne représentent pas une menace pour ce patrimoine naturel remarquable (faune, flore et habitats). Au contraire les auteurs de l'étude notent que "les caractéristiques de la végétation de la pelouse de Chamouse sont déterminées par l'influence combinée non seulement des conditions climatiques et géologiques mais aussi par les pratiques humaines pluriséculaires. Ainsi on peut affirmer qu'en l'absence de pratiques pastorales la pelouse de Chamouse évoluerait lentement mais sûrement vers une lande à buis et un boisement de pins…" Et Jean- Pierre Tabardel de se féliciter de cette heureuse conjugaison et complémentarité entre les intérêts économiques des éleveurs et le souci justifié des environnementaux.
Pour affiner le diagnostic les auteurs suggèrent que certaines actions ou réflexions pourraient être initiées.
+ Conserver la période et le mode d’utilisation pastorale avec 3 circuits de pâturage et leur mode de chôme adapté, en alternant le secteur sur lequel le pâturage se fait en 1er et sans retourner sur les secteurs ayant été déjà pâturés.
+ Observer et évaluer le redémarrage du tapis herbacé en 2007, notamment en fonction des zones sur lesquelles l’indice de pression de pâturage était très faible à faible en 2006.
+ Continuer à suivre les pratiques pastorales et les relevés de données météorologiques afin de les rapprocher du suivi de la végétation de la pelouse.
Portrait d'une bergère
30 ans, originaire de Savoie, de longs cheveux blonds qui lui mangent le visage, Maud Albiero est depuis 3 ans entre juin et octobre la bergère de l'unité pastorale de la Montagne de Chamouse, juchée à 1500 m d'altitude aux confins des Baronnies Drômoises. "J'ai d'abord eu une formation agricole à Chambéry et puis le métier de berger m'a attiré et pendant 6 ans, je me suis formé sur le tas, en gardant les moutons des autres… C'est la troisième année que je passe à la Montagne de Chamouse et je m'y plait bien… Le cadre est magnifique… J'aime la nature, les bêtes, être dehors toute la journée … La solitude ? Cela ne me pose pas de problème, c'est un choix de vie …"
Maud Albiero avec sa chienne Kaya sur la pelouse de la Montagne de Chamouse.
Tous les matins à 6 heures, Maud accompagné de sa fidèle chienne Kaya qu'elle a élevée elle-même, va conduire ses 900 brebis dans l'un des secteurs de l'alpage. An milieu de journée, les bêtes se reposent, elle "chôment" et la bergère peut retourner déjeuner à la bergerie, s'occuper de ses affaires. Le soir vers 18 heures elle retournera chercher les bêtes et les ramènera à la nuit tombée. Ainsi s'écoulent les jours à Chamouse. Des amis viennent la ravitailler de temps en temps, elle ne descend que très exceptionnellement pendant ces 4 mois d'alpage. Et l'hiver ? "Le reste de l'année, je fais des remplacements dans des centres équestres ou des élevages ovins. Je reviendrai peut-être à la Chamouse l'été prochain..." Mais à vrai dire, ce que Maud Albiero cherche aujourd'hui, c'est à s'installer. "Une petite ferme, une petite exploitation pastorale à reprendre, un site pour s'installer avec des chèvres, des brebis, ma chienne… de préférence dans le sud de la Drôme…"
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